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Une animation ludique : le défi-lecture
( extrait du CD-Rom "Lecture", CNDP 1996 )

AUTEUR(S) Givon Gérard, coordonnateur ZEP, Mairal Chantal, professeur d'IUFM
ACADÉMIE Clermont-Ferrand
DÉPARTEMENT(S) Allier (03)
ETABLISSEMENT(S) Ecoles de la ZEP Moulins-Yzeure
NIVEAU(X) Cycle 2 (CE1), cycle 3 (CE2), cycle 3 (CM2)
DATE 1994

PRÉSENTATION
Le défi-lecture est une animation ludique qui, pendant toute l'année, engage un certain nombre de classes de la circonscription dans la lecture approfondie de textes longs. Les classes partenaires se défient, à partir d'un même corpus de livres (10 à 40) : échange de questionnaires sur chacun des livres, rédaction de fiches de correction, etc. L'activité, qui mobilise non seulement les compétences en lecture, mais de nombreuses compétences transversales, se clôt par une rencontre amicale autour d'un grand jeu portant sur l'ensemble du corpus, préparé par chacune des classes partenaires.
On peut constater que le défi-lecture a une influence positive non seulement sur les élèves qui fréquentent de manière plus assidue les lieux de lecture, mais aussi sur les enseignants qui connaissent mieux la littérature de jeunesse et l'utilisent plus souvent.

PRINCIPES ET ENJEUX
Le défi-lecture est né au début des années 80, dans la région de Caen, à l'initiative d'une équipe d'enseignants soucieux de diversifier leurs pratiques pédagogiques en collège et d'introduire une dimension souvent absente en lecture : le plaisir de lire.
Christian Poslaniec, écrivain, enseignant, chercheur (chargé de la mission PROMOLEJ à l'INRP), qui a suivi l'évolution du défi-lecture, pense qu'on a souvent cherché des remèdes à la non-lecture en étudiant les cas d'échec, sans se pencher sur le cas des enfants qui sont devenus des " lecteurs experts ".
Qu'est-ce qui fait qu'un enfant va aller au-delà de la maîtrise du code, franchir la barrière de l'autonomie et arriver à une lecture qui ne lui demandera plus de gros efforts ? Les réponses sont, bien entendu, multiples, mais la rencontre, au bon moment, d'un livre bien choisi, dans des conditions agréables, produit souvent le " déclic " qui va conditionner, pour une vie, le rapport à la lecture.
On ne peut savoir où et quand ce " déclic " va se manifester, mais il est de notre devoir de créer, le plus rapidement possible, toutes les conditions
pouvant favoriser son apparition. Le " défi-lecture " s'inscrit dans cette logique.
Le défi-lecture est une animation parmi d'autres et qui ne saurait tenir lieu d'activité unique de lecture. Il entre dans la catégorie des animations ludiques et ses principaux atouts sont :
* la durée : pendant toute l'année scolaire, les élèves vont s'engager dans la lecture intégrale et approfondie de textes longs ;
* la communication : les classes participantes sont appariées autour d'un même corpus d'ouvrages.
Toutes les activités du défi s'articulent autour de la connaissance d'un corpus de, suivant les niveaux, dix à quarante livres. La réussite de l'entreprise dépend en grande partie de la qualité des ouvrages proposés. Les maîtres doivent bien les connaître et les élèves peuvent être associés à la constitution du corpus.

DÉROULEMENT DE L'ACTIVITÉ
Six classes ont participé au défi-lecture de la circonscription :
* deux classes de CE1 : écoles Gustave Méchain (Vichy) et H. Laville (Yzeure) ;
* deux classes de CE2 : écoles F. Truffaut (Moulins) et Rives d'Allier (Moulins) ;
* deux classes de CM2 : écoles J. Prévert (Yzeure) et Les Cladets (Yzeure).

Découverte des livres : octobre
Une fois le corpus constitué et les livres achetés, il va falloir les faire découvrir aux élèves. D'autres animations comme les " hors-textes ", " l'intrus ", " le point commun " peuvent permettre une excellente entrée en matière. On pourra, pour plus de détails, se reporter au livre de C. Poslaniec : Donner le goût de lire (Editions du Sorbier).
Il peut y avoir un échange de courrier avec la classe-partenaire du défi.

Lecture des livres : de novembre à janvier
Les élèves lisent les livres.
Règle d'or : ne pas contraindre et ne pas essayer d'aller trop vite. On peut stimuler par des relances, des discussions en instaurant toute une convivialité autour des livres et en rappelant les enjeux de l'activité.
Dès que plusieurs élèves ont lu un même livre, ils peuvent se lancer dans la rédaction d'un questionnaire à destination des élèves de la classe-partenaire. Tout un travail de production d'écrit autour du questionnement est nécessaire : typologie des questions, rédaction collective et individuelle, mise à l'épreuve du questionnaire qui va être proposé à l'autre classe.
Plusieurs groupes peuvent travailler sur le même livre : il y aura ensuite sélection et préparation du fichier de correction.
Le nombre de questions sur chaque livre sera déterminé avec la classe-partenaire. On peut également prévoir un certain nombre de questions ouvertes portant sur l'ensemble des livres du corpus.

Les échanges : de mi-décembre à mars
L'échange est un des éléments moteurs de l'activité et il mobilise bon nombre des compétences langagières des enfants. La réception des questionnaires est toujours un moment privilégié. C'est là que l'on s'aperçoit que l'on a mal lu tel ou tel livre, que certaines questions paraissent insolubles... Il est tout à fait possible que certains livres du corpus n'aient pas encore été lus... Il faut, pour l'intérêt du jeu, s'engager à envoyer les réponses dans des délais assez brefs (3 semaines maximum). Il faut tenir compte de la place des vacances. Les réponses aux questions seront accompagnées de toutes les remarques des enfants concernant les questions de leurs adversaires.
Le retour des réponses est aussi un moment de grande intensité, surtout avec les élèves de CM. Il faut comparer les réponses avec les fiches de correction de la classe, s'accorder sur les barèmes. Il est souvent nécessaire de prôner la mansuétude, les enfants étant souvent des correcteurs tatillons.
En fonction du temps, on pourra faire un second échange sur des livres non lus ou sur les textes assez riches pour servir de support à une autre série de questions.

La préparation du grand jeu : d'avril à début juin
Il s'agit de fabriquer un grand jeu ayant pour support les livres du corpus. Ce grand jeu permettra une compétition amicale permettant de confronter les connaissances sur les livres. Le jeu est un des moteurs de l'apprentissage. Ces jeux sont collectifs et mettent en valeur l'émulation saine, la solidarité et le respect de l'adversaire. Il va falloir rechercher différents types de jeux collectifs, les étudier, travailler sur leurs règles et inventer. La nouvelle règle sera rédigée (gros travail !), le jeu sera testé et amélioré dans sa présentation afin qu'il réjouisse l'œil et motive les joueurs. Les enfants peuvent préparer de nouvelles questions pour alimenter les jeux, mais d'autres partenaires peuvent en proposer : parents associés, bibliothécaires, maîtres...

La rencontre : juin
L'activité se clôt en apothéose par une rencontre amicale autour de chacun des jeux préparés par les deux classes-partenaires. Les livres seront là pour servir de référence en cas de problème ; on pourra aussi désigner un juge-arbitre. Il faudra théâtraliser la présentation des jeux, éviter les temps morts, prévoir le goûter et les récompenses (même symboliques...). Une médiatisation de l'activité ne peut pas nuire.

EVALUATION DE L'ACTIVITÉ
Il est très difficile d'évaluer précisément les retombées d'une telle action et sur le plan national, nous ne disposons d'aucune donnée chiffrée.
Cependant, toutes les expériences confrontées prouvent qu'au delà de la quantité de pages effectivement lues (compétence : lire un texte long), la communication et les activités sur le texte amènent l'enfant à une lecture active entraînant une bonne mémorisation. Un grand nombre de compétences transversales sont sollicitées. Plus important encore, dans les classes où le défi a été mis en place (primaire et collège confondus), on a constaté un accroissement de la demande en lecture ainsi que de la fréquentation des lieux de lecture.
Enfin, les pratiques pédagogiques des enseignants impliqués dans le défi ont évolué : ils utilisent davantage le livre de jeunesse. Leur comportement de lecteur change également : ils deviennent plus curieux et lisent davantage de livres pour enfants ! (source : conférence de Jean-Jacques Maga, septembre 1994).

QUELQUES ÉCUEILS À EVITER
* Le défi-lecture se généralise, souvent de façon anarchique, et cela ne va pas sans quelques dérives, la première étant que cette activité se mette en place aux dépens d'autres et devienne institutionnelle.
* Le défi-lecture est avant tout l'activité des élèves. Il faut proposer, mais laisser le plus possible l'initiative aux élèves.
* La liberté de lecture doit prévaloir : le danger, avec les contraintes du calendrier, serait de " forcer " à la lecture du plus grand nombre d'ouvrages, ce qui à terme aboutirait à éloigner les enfants des livres. L'émulation est beaucoup plus stimulante que la contrainte !
* Le défi-lecture est une compétition, mais c'est une compétition amicale : il faut absolument se garder d'exacerber les pulsions de la compétition. Arriver à un affrontement entre écoles comme on le voit encore dans certaines activités sportives serait gravissime.
* Le jeu ne doit pas occulter le livre qui reste premier ; les questionnaires doivent être cohérents, ce ne sont pas des " gadgets ".
* Le défi-lecture est une activité lourde et longue à mettre en place, il joue sur la durée et forme un tout. Il ne faut pas chercher à le simplifier en ne faisant, par exemple, que la première partie.
* Le défi-lecture est un moyen de faire découvrir de nouveaux textes de qualité. Il faut résister à la tentation d'y introduire des textes " normalisés ", tels ceux que l'on utilise habituellement en lecture suivie.
* Le défi-lecture est une porte ouverte à l'imagination, il ne faut pas le mécaniser en reproduisant à l'identique les mêmes types de questions et de jeux.

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